Journées VISA 2020 - Dijon

Les usages des enregistrements vidéos et d’autres données empiriques dans la collaboration entre chercheurs et acteurs des activités de travail, d’enseignement-apprentissage ou de formation



De nombreuses recherches en sciences de l'éducation et de la formation associent des acteurs (travailleurs, dirigeants, formateurs, professeurs, élèves, stagiaires, tuteurs, responsables d’établissement, ...) des situations ou organisations étudiées.

Pour certaines méthodologies, il s'agit d'une stratégie délibérée et explicite pour produire certains types de données empiriques et/ou les analyser. L’argument avancé est qu’un point de vue uniquement « externe » (celui du chercheur) sur les objets ou phénomènes investigués est insuffisant pour rendre compte de la complexité de l’activité ou des situations sociales investiguées (Clot, Faïta, Fernandez, & Scheller, 2000; Leblanc, Ria, & Veyrunes, 2013). La prise en compte du vécu, de la perception ou des représentations des protagonistes d’une situation, selon les termes choisis qui sont propres à différentes approches théoriques, permet d’articuler des points de vue émique (du point de vue des acteurs) et étique (du point de vue de l'observateur) et d’enrichir considérablement les analyses. Pour beaucoup d'autres approches, les collaborations avec les praticiens du monde du travail ou de la formation (ou les apprenants) sont plutôt requises pour pouvoir accéder à des caractéristiques des objets étudiés (activités, situations, organisations, etc.), en particulier dans des démarches ethnographiques dont la volonté est de s'approcher des caractéristiques les plus possibles “ écologiques ” ou « situées » des objets investigués (Bonnéry & Joigneaux, 2015; Lambert & Veillard, 2017).

Par ailleurs, dans bien des cas en sciences de l'éducation et de la formation, l’ambition et les enjeux ne se limitent pas à produire des connaissances sur les situations éducatives ou formatives. Il s’agit aussi d'assumer ou de revendiquer des fonctions d’intervention que ce soit en réponse à des “ commandes ” ou des “ demandes ” d’acteurs ou d’institutions, ou sur l’initiative propre des chercheurs (auto-saisine). Les qualificatifs de « recherche-action », « recherche collaborative », « recherche-intervention », « recherche orientée conception » (ou « design-based- research » en anglais), « ingénierie-coopérative » peuvent être utilisés selon les cas pour qualifier les démarches mises en œuvre. Les objectifs peuvent être par exemple de : concevoir de nouveaux dispositifs formatifs ou éducatifs, améliorer des situations d’apprentissage existantes, concevoir des instruments de travail et/ou de formation, aider des acteurs à être plus réflexifs sur leurs pratiques, etc. On considère de plus en plus que les démarches les plus fructueuses, au sens où elles permettent des innovations ou améliorations pertinentes et écologiquement pérennes, s’appuient sur une collaboration symétrique (l’une n’étant pas supérieure à l’autre) entre deux types d’expertise complémentaires : celle des chercheurs et celles des praticiens ou des usagers qui sont irréductibles l’une à l’autre mais s’avèrent souvent très complémentaires (Desgagné, 1997; Sensevy & Bloor, 2019; Tiberghien, Badreddine, & Cross, 2018; Veillard & Kouamé Kouassi, 2012; Vinatier, Filliettaz, & Kahn, 2012).

Dans ces différents types de recherche, on peut repérer différentes étapes des méthodologies d’étude et/ou d’intervention relativement aux modalités de collaborations mises en œuvre selon les finalités visées. Et si les places et les rôles respectifs des acteurs et des chercheurs peuvent évoluer à chacune de ces étapes, les modalités de collaboration font appel à des instrumentations qui mobilisent (ou peuvent mobiliser) des artefacts multimodaux (dont la vidéo) : négociation en amont sur les enjeux, les objets, les terrains et les modalités d’investigation ; collaboration pour la production de matériaux empiriques ou le développement d’ingénieries ; participation à des instances ou dispositifs de régulation du déroulement voire de la conduite des investigations ; mises en partage, restitution et discussion des analyses intermédiaires ou des résultats de la recherche ; etc. Autrement dit, les matériaux empiriques produits des investigations sont ici transformées pour élaborer des médiations sémiotiques adéquates aux orientations de collaboration spécifiques à chacune de ces étapes.

Ces médiations peuvent être utiles pour faire face à des contraintes sociales, économiques, organisationnelles susceptibles de limiter les possibilités de collaboration et par conséquent d'investigation. Mais il est aussi possible de s’appuyer sur des ressources ou médiations sémiotiques permettant d’ouvrir ou élargir des possibles, organiser les échanges, structurer la collaboration. Parmi ces ressources, des données empiriques issues de la recherche en cours ou de recherches précédentes peuvent être utilisées. Ainsi, les enregistrements vidéos peuvent avoir des places et des fonctions variables dans les interactions entre les différents types d’acteurs. Dans certaines approches (par exemple : cours d’action, clinique de l’activité), ils constituent un instrument tout à fait central pour refléter l’activité située, soit à leurs auteurs strictement (auto-confrontation simple), soit également à des pairs (auto- confrontation croisée), avec souvent une double finalité de : 1) générer des significations ou points de vue subjectifs qui viendront enrichir la compréhension de l’activité en train de se faire ; 2) de soutenir ou provoquer du développement des activités et des personnes par les processus réflexifs et dialogiques que ce type de méthode permet de générer. Dans certaines démarches se réclamant des didactiques professionnelles (et sans doute des didactiques disciplinaires...), des actions de formation, mobilisant entre autres des ressources vidéos, peuvent constituer des méthodologies d'enquête à la fois des formations-apprentissages et des activités de référence. Des auteurs proposent alors de les qualifier d’“ intervention didactique ” (Olry, 2018 ; Duhamel, 2019). La vidéo deviendrait ainsi un des instruments du système instrumental de la transposition didactique.

Pour d’autres courants, la vidéo peut être mobilisée d'autres façons, moins intenses ou moins centrales, mais en articulation avec d’autres types de données empiriques (entretiens audio, copies de documents pédagogiques ou institutionnels, notes d’observation, etc.) et des formes variées de représentations de celles-ci (schémas, graphes temporels, courbes d’occurrence de phénomènes, etc.). Dans des phases de présentation ou de négociation de nouveaux terrains d’investigation ou d’intervention, des extraits de corpus d’une recherche précédente (extrait vidéo ou audio, résultats obtenus, etc.) peuvent ainsi être mobilisés pour donner à voir à des décideurs ou des acteurs ce qui pourrait être faits. Plus tard, d’autres données empiriques, brutes ou retravaillées peuvent être mobilisées pour initier des échanges avec les acteurs des situations sur des points particuliers, se remémorer des évènements ou actes passés, etc. Dans une perspective de conception collaborative de formations ou de ressources et d'instruments pour l’enseignement et la formation, le recours à des enregistrements vidéos, parfois en association avec des représentations variables issues d’autres types de données empiriques, peut s’avérer précieux, par exemple, pour donner à voir aux acteurs (des enseignants, des formateurs, et plus largement aux producteurs de biens ou de service) ce qu’il leur reste souvent caché des usages qui est fait du produit de leur travail : par exemple dans le cas de situations d’enseignement ou de formation, des difficultés de certains apprenants face à des choix didactiques ou de conception des dispositifs que l’enseignant ou le formateur peine à percevoir.

Au cours de ces nouvelles Journées d’Étude ViSA, l’objectif sera d’étudier les collaborations entre chercheurs et acteurs des activités et organisations de travail, éducatives et formatives (responsables éducatifs, enseignants, formateurs, élèves, stagiaires, travailleurs, managers, usagers, etc...) sous l’angle des usages qui sont faits des enregistrements vidéos et d’autres données empiriques dans les méthodologies déployées. On s’interrogera en particulier :

  • sur les moments où ces échanges entre chercheurs et acteurs ont lieu dans les recherches, avec qui, pour quelle(s) finalité(s) et en mobilisant quelles formes et fonctions instrumentales des vidéos ou autres matériaux empiriques multimodaux ;
  • sur les types et caractéristiques des données (et/ou représentations de celles-ci) qui sont mobilisées dans ces différents lieux et moments, avec un questionnement plus particulier sur la place et les fonctions des enregistrements vidéos ; quelle pertinence de l’enregistrement filmique pour quel but ? Quelles conditions de construction avec les acteurs, d’une démarche d’investigation fructueuse à partir de la vidéo ?
  • sur les modalités de traitement, d’interprétation et d’analyse, instrumentées ou non (avec par exemple des logiciels) : comment conduit-on le traitement de matériaux empiriques multimodaux produits au cours des différentes phases des recherches collaboratives ou « interventionnistes » ? Avec quels enjeux, quels obstacles et quels résultats ?
  • sur les effets (souhaités/souhaitables ou non) produits par ces médiations d’une part sur les interactions entre les chercheurs et acteurs, et d’autre part sur les productions qui en résultent (en particulier, s’il s’agit de nouvelles données empiriques, quelles sont les caractéristiques de celles-ci et leur statut dans le corpus constitué ?)
  • Sur quelles bases et de quelles manières exploiter ces matériaux pour rendre compte aux acteurs de la recherche, ou au monde des chercheurs, des résultats de la recherche, pour en faire des instruments de didactique (voire de développement) professionnelle 

Programme prévisionnel

  • Groupe 1 : articulation de différents types de données

  • Groupe 2 : types de représentations des données dans les productions scientifiques

Enregistrements vidéos et autres données empiriques, quels usages dans la co-construction d’un environnement virtueléducatif pour la formation professionnelle des forestiers ? Une perspective de transposition didactique professionnelle.

Sur la notion d'ingénierie coopérative : épistémologie, théorie, et méthode - Études de cas

Usage des enregistrements vidéos et d’autres données dans une perspective développementale : de l’analyse du travail à la conception d’un outil de formation de prévention des risques.

* Une grille de critères sera fournie pour soutenir ce travail individuel support au débat collectif

Intervenir à des fins de formation : avec quelle mobilisation des professionnels ? Quelle position éthique pour le chercheur ?

* Une grille de critères sera fournie pour soutenir ce travail individuel support au débat collectif

UR FoAP - Formation et Apprentissages Professionnels

  • Marie David
  • Nathalie Droyer
  • Dominique Guidoni-Stoltz
  • Anaïs Loizon
  • Claire Masson
  • Youri Meignan (resp.)
  • Laurent Veillard
  • Nathalie Blanc (Université Lyon 1, ICAR)
  • Didier Carioux (Université de Bretagne Occidentale, CREAD)
  • Laurent Filliettaz (Université de Genève, équipe Interactions et formation)
  • Patrick Gibel (Université de Bordeaux, Lab-E3D)
  • Damien Givry (Université Aix-Marseille, ADEF)
  • Christophe Joigneaux (Université d’Artois, ESCOL)
  • Serge Leblanc (Université de Montpellier, LIRDEF)
  • Abdelkarim Zaïd (Université de Lille, Theodile-CIREL)
  • Grégory Munoz (Université de Nantes, CREN)
  • Gérard Sensevy (Université de Bretagne Occidentale, CREAD)
  • Andrée Tiberghien (CNRS, ICAR)
  • Patrice Venturini (Université de Toulouse 2, EFTS)

֍ Lieu
AgroSup Dijon – 26, bd du Docteur PetitJean – 21000 DIJON

֍ Coût

  • Doctorants, post-doctorants : 20€ 
  • Chercheurs, enseignants-chercheurs : 44€

֍ Modalités d’inscription

https://eduter-recherche.fr/journees-detude-visa-2020-a-dijon/

֍ Contact

chantal.naudet [at] agrosupdijon.fr